Published on May 10, 2024

Une convention d’actionnaires n’est pas un simple document juridique, c’est le plan de survie de votre entreprise face aux crises inévitables.

  • Le véritable objectif n’est pas d’empêcher les désaccords, mais de fournir un mécanisme précis pour les résoudre sans détruire la valeur et les relations.
  • Des clauses spécifiques peuvent désamorcer des situations explosives comme un blocage décisionnel, un divorce, un décès ou une offre d’achat hostile.

Recommandation : Investir dans une convention sur mesure dès le départ est la décision la plus rentable pour garantir la pérennité de votre PME au Québec.

Chaque grande aventure entrepreneuriale au Québec commence souvent par une poignée de main, une vision partagée entre associés. L’énergie est à la création, à la conquête de marchés, et l’idée même d’un conflit futur semble lointaine, presque déplacée. On se fie à la confiance mutuelle, en pensant qu’un simple enregistrement d’entreprise suffira. Pourtant, la réalité des affaires est implacable : la croissance amène la complexité, et la complexité génère des frictions. Que se passe-t-il lorsque les visions divergent, qu’un associé veut partir, ou pire, qu’un drame personnel comme un divorce ou un décès vient percuter la vie de l’entreprise ?

Beaucoup d’entrepreneurs pensent qu’une convention se limite à définir les “rôles et responsabilités”, une formalité à régler plus tard. C’est une erreur stratégique majeure. Sans ce document, vous êtes à la merci des dispositions générales de la Loi sur les sociétés par actions (LSAQ), un cadre souvent inadapté aux réalités spécifiques de votre projet. La véritable question n’est donc pas de savoir *si* un conflit surviendra, mais *comment* votre entreprise y survivra. L’angle que nous adoptons ici est préventif et chirurgical : une convention d’actionnaires n’est pas un contrat pour les beaux jours, c’est une carte de navigation pour la tempête.

Ce guide n’est pas une simple liste de clauses. C’est une immersion dans l’ingénierie contractuelle québécoise. Nous allons décortiquer les mécanismes qui permettent de pré-négocier la sortie de crise, de protéger la valeur de vos actions contre les manœuvres hostiles et d’assurer une gouvernance saine. Nous verrons comment ce document essentiel interagit avec les réalités du divorce et de la succession, et comment l’état d’esprit qu’il requiert peut transformer toutes vos négociations commerciales. Il s’agit de bâtir une forteresse juridique pour votre entreprise, une clause à la fois.

Cet article vous guidera à travers les piliers d’une convention d’actionnaires robuste et adaptée au contexte québécois. Le sommaire ci-dessous vous donne un aperçu des points stratégiques que nous allons aborder pour blinder votre partenariat d’affaires.

Les 8 clauses à inclure dans votre convention d’actionnaires au Québec pour éviter les blocages

Beaucoup d’entrepreneurs croient que les statuts constitutifs de leur société offrent une protection suffisante. En réalité, ce document ne fait qu’effleurer la surface. Si la Loi sur les sociétés par actions du Québec (LSAQ) prévoit des recours de base, comme le droit de préemption sur le transfert d’actions ou le recours en oppression (articles 439 et suivants), ces mesures sont souvent des solutions de dernier recours, lourdes et coûteuses. Selon une analyse de la pratique juridique, seule une convention entre actionnaires sur mesure peut réellement atteindre les objectifs complexes de protection et de gouvernance préventive. Elle agit comme le véritable code de conduite de votre partenariat.

Une convention bien rédigée est un ensemble de scénarios de crise pré-résolus. Elle ne se contente pas de distribuer des pouvoirs, elle définit des procédures claires pour les moments où la communication est rompue. Voici les clauses fondamentales qui forment le squelette de toute convention d’actionnaires solide au Québec :

  • Clause de droit de premier refus : Elle oblige un actionnaire vendeur à offrir ses actions en priorité aux actionnaires existants, protégeant ainsi le groupe de l’arrivée d’un tiers indésirable.
  • Clause de médiation/arbitrage obligatoire : C’est un coupe-feu essentiel. Elle impose aux parties de tenter une résolution à l’amiable ou via un arbitre avant de pouvoir saisir les tribunaux, sauvant un temps et un argent considérables.
  • Clause de rachat obligatoire au décès : Souvent financée par une assurance-vie croisée, elle garantit que les actionnaires survivants peuvent racheter les parts de l’associé décédé, évitant que des héritiers non impliqués ne paralysent l’entreprise.
  • Clause shotgun désamorcée : La fameuse clause d’achat-vente forcé doit inclure des garde-fous : un délai de réponse de 60 à 90 jours et l’obligation pour l’initiateur de prouver sa capacité de financement.
  • Clause anti-dilution : Elle protège votre participation contre l’émission de nouvelles actions à un prix dérisoire, une manœuvre qui peut être utilisée pour réduire artificiellement votre pouvoir.
  • Clause de retrait planifié : Prévoir une formule d’évaluation des actions (ex: un multiple de l’EBITDA) enlève toute ambiguïté et prévient les batailles d’experts en cas de départ d’un associé.
  • Clause de gouvernance numérique : À l’ère du télétravail, il est crucial de stipuler la validité juridique des votes et des réunions tenus via des plateformes comme Teams, Zoom ou Slack.
  • Clause de révision périodique : L’entreprise évolue. Cette clause “force” les actionnaires à se rasseoir tous les 3 à 5 ans, ou lors d’un événement clé (nouvel investisseur, etc.), pour s’assurer que la convention est toujours adaptée.

Votre plan d’action : audit de votre protection actuelle

  1. Inventaire des points de contact : Listez tous les documents légaux existants (statuts, résolutions, pactes). Que disent-ils sur les transferts d’actions et les décisions ?
  2. Analyse des scénarios de crise : Pour chaque clause ci-dessus, demandez-vous : “Que se passe-t-il aujourd’hui si ce cas de figure arrive ?”. L’absence de réponse claire est un drapeau rouge.
  3. Confrontation aux objectifs : Votre structure actuelle protège-t-elle le contrôle de l’entreprise ? La valeur de vos parts ? La continuité des opérations ?
  4. Identification des “trous” : Repérez les clauses manquantes ou les formulations vagues qui créent des zones d’incertitude juridique. C’est là que naissent les conflits.
  5. Priorisation de la rédaction : Établissez un plan pour rédiger ou mettre à jour votre convention en vous concentrant d’abord sur les risques les plus probables pour votre PME.

Mésentente entre actionnaires au Québec : comment débloquer sans détruire l’entreprise ?

Lorsqu’une mésentente survient et que le dialogue direct est rompu, beaucoup d’entrepreneurs pensent à tort que la seule issue est le tribunal. C’est l’option la plus lente, la plus coûteuse et la plus destructrice pour la relation d’affaires. Une convention d’actionnaires bien conçue instaure un “escalier de résolution”, une série d’étapes graduées conçues pour résoudre le conflit au niveau le plus bas possible. L’objectif est de contenir le différend avant qu’il n’embrase toute l’entreprise.

Session de médiation entre actionnaires québécois avec médiateur professionnel

L’étape la plus efficace après l’échec de la négociation directe est la médiation. Un médiateur neutre facilite la discussion, aide à clarifier les enjeux et explore des solutions créatives. Contrairement à un juge, il n’impose rien ; il guide les parties vers leur propre accord. Si la médiation échoue, l’étape suivante est l’arbitrage. Ici, un arbitre (ou un panel) tranche le litige de manière définitive et contraignante, comme le ferait un tribunal, mais dans un cadre privé, plus rapide et souvent moins formel. Au Québec, de nouvelles options rendent cette voie encore plus attractive; le service d’arbitrage accéléré de l’IMAQ promet une décision en un délai maximal de 120 jours pour environ 15 000 $ par partie, une fraction du temps et du coût d’un procès.

Ce n’est qu’en tout dernier recours, si ces mécanismes échouent ou si un actionnaire agit de manière abusive, que l’on doit envisager le recours en oppression (art. 450 LSAQ). C’est l’arme nucléaire du droit des actionnaires, réservée aux situations où les agissements d’un groupe sont préjudiciables aux intérêts d’un autre. Le tableau suivant illustre clairement cette gradation des recours.

L’escalier de résolution des conflits prévu par la loi et la pratique québécoise offre une feuille de route claire, comme le détaille cette analyse des options alternatives au procès par Éducaloi.

Escalier de résolution des conflits au Québec
Étape Méthode Délai moyen Coût Caractéristiques
1 Négociation directe Immédiat Gratuit Discussion libre sans encadrement légal spécifique
2 Médiation 1 mois max Variable Délai maximal de 1 mois chez Justicity vs 24 mois au tribunal
3 Arbitrage 120-180 jours Max 15 000/partie Résolution garantie avec expertise si nécessaire
4 Recours en oppression (art. 450 LSAQ) 12-24 mois 50 000+ Arme nucléaire – dernier recours uniquement

Clause shotgun au Québec : comment elle peut vous faire perdre votre entreprise en 30 jours

La clause d’achat-vente forcé, plus connue sous son nom anglophone de “clause shotgun”, est l’une des clauses les plus redoutées et mal comprises des conventions d’actionnaires. Souvent présentée comme la solution ultime pour débloquer une impasse entre deux actionnaires à 50/50, elle peut se transformer en un piège mortel si elle n’est pas rédigée avec une extrême prudence. Son mécanisme est d’une simplicité brutale : l’actionnaire A propose de racheter les parts de l’actionnaire B à un certain prix. L’actionnaire B a alors deux choix : soit il accepte et vend ses parts au prix offert, soit il est obligé de racheter les parts de l’actionnaire A à ce même prix.

Le danger est immense. Un actionnaire financièrement plus solide peut déclencher la clause à un moment où il sait que son partenaire est vulnérable (difficultés financières personnelles, etc.). En fixant un prix volontairement bas mais qu’il peut se permettre, il force son associé soit à vendre à perte, soit à tenter de trouver un financement en urgence pour racheter, ce qui est souvent impossible dans les délais très courts (parfois 30 jours) prévus par les clauses standards. C’est un véritable “pari texan” où celui qui dégaine le premier a un avantage stratégique énorme.

Imaginons un scénario concret : deux associés, Marc et Julie, détiennent chacun 50% d’une PME évaluée à 1 million de dollars. Marc, qui a des liquidités personnelles, déclenche la clause shotgun en offrant 300 000 $ pour les parts de Julie (une offre bien en deçà de la valeur réelle de 500 000 $). Julie est prise au piège. Si elle accepte, elle perd 200 000 $. Si elle refuse, elle doit trouver 300 000 $ en 30 jours pour racheter les parts de Marc, une mission quasi impossible sans préparation. Dans les deux cas, Marc est gagnant. Pour éviter ce genre de situation, il est impératif de “désamorcer” la clause. On peut y parvenir en allongeant le délai de réponse à 60 ou 90 jours, en exigeant que l’initiateur dépose une preuve de financement avec son offre, ou en prévoyant que le prix ne puisse être inférieur à une valeur plancher déterminée par une expertise indépendante.

Comment vous protéger contre une dilution forcée de vos actions au Québec ?

La protection de votre pourcentage de détention est un enjeu capital, surtout lors des levées de fonds. La dilution, c’est-à-dire la diminution de votre pourcentage de participation suite à l’émission de nouvelles actions, est un processus normal. Cependant, il existe des manœuvres de dilution forcée ou agressive qui visent à réduire injustement votre pouvoir et la valeur de votre investissement. Le droit de préemption, prévu par la LSAQ, vous donne le droit de souscrire à de nouvelles émissions d’actions au prorata de votre participation actuelle. C’est une première protection, mais elle est insuffisante car elle ne protège que votre pourcentage, pas la valeur de vos actions.

Pour une protection complète, la convention d’actionnaires doit inclure des clauses anti-dilution spécifiques. Celles-ci ajustent le prix de conversion des actions privilégiées pour protéger les premiers investisseurs si la société émet ultérieurement des actions à un prix inférieur. Une forme particulière de ces clauses est la clause “Pay-to-Play” (payer pour jouer). Comme le souligne un expert en capital de risque dans sa pratique du financement au Québec, cette clause est un mécanisme défensif puissant, souvent exigé par les grands fonds institutionnels québécois :

Les clauses de type ‘Pay-to-Play’ sont souvent exigées par les fonds de capital de risque québécois comme la Caisse de dépôt, Fondaction et le Fonds de solidarité FTQ

– Expert en capital de risque, Pratique du financement au Québec

Cette clause stipule qu’un investisseur qui ne participe pas à une nouvelle ronde de financement (surtout une ronde à un prix inférieur, ou “down round”) peut voir ses actions privilégiées converties en actions ordinaires, lui faisant perdre ses protections spéciales. C’est une incitation forte à réinvestir pour soutenir l’entreprise dans les moments difficiles. Il est crucial de bien distinguer ces mécanismes de protection.

Droit de préemption vs Clauses anti-dilution
Mécanisme Ce qu’il protège Base légale Limite
Droit de préemption % de détention Prévu par la LSAQ Ne protège pas la valeur par action
Clauses anti-dilution Valeur par action Convention uniquement Peut bloquer le financement
Clause plancher de valorisation Valorisation minimale Convention négociée Peut décourager les investisseurs

Quand rédiger votre convention d’actionnaires au Québec : au démarrage ou après les premiers profits ?

C’est la question que tout entrepreneur se pose : faut-il engager des frais juridiques avant même d’avoir généré le premier dollar de revenu ? La réponse est un oui sans équivoque. Reporter la rédaction de la convention est une forme de procrastination qui peut coûter une fortune. Les statistiques sont éloquentes : selon une analyse des tarifs moyens d’avocats d’affaires au Québec en 2024, la rédaction d’une convention coûte entre 3 000 $ et 8 000 $, alors qu’un litige entre actionnaires dépasse facilement les 50 000 $, sans compter le coût humain et la paralysie de l’entreprise.

Jeunes entrepreneurs québécois en phase de démarrage planifiant leur convention

L’argument n’est pas seulement financier, il est aussi psychologique. Il est infiniment plus facile de négocier les règles du jeu lorsque tout le monde est optimiste et que les enjeux financiers sont encore faibles. Tenter de négocier une convention lorsque l’entreprise vaut plusieurs millions et que des tensions existent déjà est une recette pour le désastre. Chaque clause devient alors un champ de bataille. La meilleure approche est pragmatique et évolutive. Il n’est pas toujours nécessaire de rédiger une convention de 50 pages au jour 1. On peut commencer par un document plus simple et le complexifier à mesure que l’entreprise grandit.

Une approche pragmatique en deux temps est souvent la plus judicieuse pour les startups :

  • Phase 1 – Jour 1 : Pacte des fondateurs. Un document court (1 à 2 pages) qui couvre l’essentiel : les rôles initiaux, l’acquisition progressive des droits sur les actions (vesting), et le scénario de départ d’un fondateur dans la première année. C’est un filet de sécurité de base.
  • Phase 2 – Avant 100 000 $ de revenus : Convention complète. Une fois que l’entreprise a prouvé son concept et commence à générer des revenus significatifs, il est temps de formaliser les choses avec une convention complète et notariée.
  • Point de bascule critique : Le premier dollar d’investissement externe doit agir comme un déclencheur. Aucun investisseur sérieux ne mettra de l’argent dans une entreprise sans une convention d’actionnaires en bonne et due forme.
  • Révision annuelle : L’entreprise est un organisme vivant. Il est sage de prévoir une révision annuelle de la convention, par exemple lors de l’assemblée générale, pour l’adapter aux nouvelles réalités.

Les 3 clauses manquantes dans 80 % des contrats de mariage au Québec

Le titre de cette section peut surprendre, mais il pointe vers une réalité brutale : pour un entrepreneur, un divorce peut être aussi dévastateur pour son entreprise qu’une crise économique. Au Québec, le régime matrimonial par défaut est la société d’acquêts. Cela signifie que la valeur des actions de l’entreprise accumulée pendant le mariage est partageable en cas de divorce. Imaginez devoir verser à votre ex-conjoint(e) la moitié de la valeur de vos parts. Pour beaucoup d’entrepreneurs, cela signifie soit s’endetter lourdement, soit, pire encore, devoir vendre une partie de l’entreprise. C’est là que la convention d’actionnaires devient votre meilleure police d’assurance matrimoniale.

La convention d’actionnaires peut et doit “blinder” l’entreprise contre les conséquences d’un divorce. Elle a préséance sur les arrangements personnels pour ce qui est du contrôle des actions. En effet, on peut y inclure des clauses qui empêchent purement et simplement qu’un ex-conjoint devienne actionnaire, même si le patrimoine familial lui en donne le droit financier. Le but n’est pas de déshériter le conjoint, mais de dissocier le droit à la valeur (qui sera compensée financièrement) du droit de vote et de contrôle (qui doit rester entre les mains des associés).

Pour que cette protection soit effective, plusieurs clauses doivent être méticuleusement rédigées et, idéalement, reconnues par le conjoint :

  • Clause de protection contre le divorce : Elle stipule explicitement que les actions ne sont pas transférables à un ex-conjoint suite à un jugement de divorce. L’actionnaire conserve ses parts, mais doit une dette à son ex-conjoint.
  • Avis de reconnaissance obligatoire : C’est une mesure de protection supplémentaire. On fait signer au conjoint de chaque actionnaire un document où il reconnaît avoir pris connaissance des restrictions de transfert prévues dans la convention. Cela rend la clause beaucoup plus difficile à contester.
  • Clause de compensation monétaire : Elle précise que le partage de la valeur des actions se fera par une compensation financière, dont les modalités de paiement (souvent échelonnées) peuvent être prévues pour ne pas asphyxier financièrement l’actionnaire ou l’entreprise.
  • Lien avec les régimes matrimoniaux : La convention doit être adaptée au régime matrimonial des actionnaires (société d’acquêts ou séparation de biens). Pour ceux en séparation de biens, les risques sont moindres mais la protection reste pertinente.

Les 5 profils familiaux qui finissent toujours en guerre de succession au Québec

Après le divorce, la succession est l’autre événement personnel majeur qui peut faire imploser une entreprise. Quand un actionnaire décède, une question cruciale se pose : qui hérite des actions ? Et surtout, que vont-ils en faire ? Sans une convention d’actionnaires pour prévoir ce scénario, la réponse peut être catastrophique. Les héritiers (conjoint, enfants) peuvent se retrouver du jour au lendemain copropriétaires de l’entreprise, avec des droits de vote, mais sans l’expertise, l’intérêt ou la vision des fondateurs. Cela mène souvent à des blocages, des demandes de rachat à des prix irréalistes ou des conflits entre les héritiers et les actionnaires survivants.

La convention d’actionnaires agit comme un testament pour l’entreprise. Elle permet de décider, du vivant de tous, ce qui adviendra des parts de chacun en cas de décès. L’objectif est double : assurer une compensation juste pour les héritiers tout en garantissant la continuité et la stabilité de l’entreprise pour les associés restants. C’est l’outil par excellence pour éviter que des drames familiaux ne se transforment en guerres de succession commerciales.

Pour une succession d’entreprise paisible, quatre clauses de survie sont indispensables :

  • Clause de rachat obligatoire au décès : C’est la clause la plus importante. Elle oblige les actionnaires survivants à racheter les parts de l’actionnaire décédé, et oblige la succession de ce dernier à les vendre. Le “qui”, le “quand” et le “comment” sont ainsi fixés.
  • Clause de valorisation prédéfinie : Pour éviter les débats sans fin sur la valeur de l’entreprise, la convention doit prévoir une formule claire pour calculer le prix de rachat. Cela peut être une valeur fixe révisée annuellement, ou une formule basée sur un multiple des revenus ou des profits.
  • Clause de financement par assurance-vie : C’est le mécanisme le plus élégant pour financer le rachat. Chaque actionnaire souscrit une police d’assurance-vie sur la tête de ses associés (assurance croisée). Au décès de l’un, le capital versé par l’assurance sert à racheter ses parts, sans que les survivants n’aient à puiser dans leurs liquidités ou à endetter l’entreprise.
  • Clause de gel successoral (pour les entreprises familiales) : Dans le contexte d’une relève familiale, des techniques plus complexes comme le gel successoral permettent de transférer la croissance future de l’entreprise à la nouvelle génération tout en “gelant” la valeur des parts des parents, optimisant ainsi la fiscalité. L’exonération pour gain en capital sur les actions de PME, qui est un montant significatif au Canada, joue ici un rôle crucial dans la planification.

À retenir

  • Une convention d’actionnaires est un outil dynamique de gestion de crise, pas un document statique.
  • Les clauses de résolution de conflits (médiation, arbitrage) sont des coupe-feux pour éviter les tribunaux.
  • La protection de l’entreprise doit s’étendre aux événements de la vie personnelle des actionnaires (divorce, décès) via des clauses spécifiques.

Comment négocier un contrat commercial au Québec pour renverser le rapport de force en votre faveur ?

À première vue, le lien entre une convention d’actionnaires et la négociation d’un contrat avec un client ou un fournisseur peut sembler ténu. Pourtant, la discipline et la rigueur que vous impose la rédaction de votre convention interne sont les meilleures formations possibles pour toutes vos négociations externes. L’ingénierie contractuelle que vous appliquez pour gérer les relations entre associés vous dote d’un état d’esprit préventif et stratégique. Vous apprenez à anticiper les points de friction, à définir des processus clairs et à protéger vos intérêts en amont, des compétences directement transposables.

Un des exemples les plus frappants est la gestion des conflits d’intérêts et des autorisations de dépenses. Une convention d’actionnaires solide définit précisément qui a le pouvoir d’engager l’entreprise et jusqu’à quel montant. Cette grille interne de gouvernance devient un bouclier en négociation externe. Si un partenaire commercial vous presse de prendre une décision rapide, vous pouvez légitimement vous référer à vos processus internes d’approbation. Cela vous donne du temps, de la crédibilité et assoit votre professionnalisme. Comme le précise un Maître en droit commercial dans un guide de référence québécois :

La clause de réglementation des conflits d’intérêts va plus loin que les obligations du Code civil du Québec et peut imposer un processus d’appel d’offres avant tout contrat avec une entreprise appartenant à un actionnaire

– Maître en droit commercial, Guide des conventions d’actionnaires au Québec

Cette rigueur interne se projette à l’extérieur. Un entrepreneur qui a méticuleusement défini les pouvoirs et les limites de chaque dirigeant dans sa convention sera naturellement plus enclin à exiger la même clarté dans ses contrats commerciaux. Il demandera qui sont les signataires autorisés, quels sont les processus d’acceptation des livrables et comment les désaccords seront gérés. La grille d’autorisation des dépenses, par exemple, est un outil de gouvernance interne qui façonne directement la manière dont vous interagissez avec vos partenaires.

Exemple de grille d’autorisation des dépenses
Montant de la dépense Niveau d’approbation requis Modalité
Moins de 5 000 $ PDG seul Aucun
5 000 $ à 50 000 $ Conseil d’administration Majorité simple
Plus de 50 000 $ ou 10% du CA Actionnaires Majorité qualifiée 75%
Contrat avec partie liée Expert externe + CA Exclusion de l’intéressé

Bâtir cette forteresse juridique et assurer la pérennité de votre entreprise n’est pas une simple formalité. C’est un acte de gestion stratégique qui distingue les entreprises qui durent de celles qui implosent à la première tempête. Pour mettre en pratique ces conseils et construire une convention véritablement adaptée à votre réalité, l’accompagnement par un avocat spécialisé en droit des affaires au Québec n’est pas une dépense, mais l’investissement le plus rentable pour votre avenir.

Written by Isabelle Dubois, Isabelle Dubois est avocate en droit des affaires et droit commercial depuis 15 ans, membre du Barreau du Québec et titulaire d'un MBA en gestion d'entreprise. Elle conseille des entrepreneurs et PME québécoises sur le choix de structures juridiques, la rédaction de conventions d'actionnaires, la négociation de contrats commerciaux et la protection de propriété intellectuelle. Elle représente également des entreprises dans des litiges de concurrence déloyale et de violation de contrats.