Published on May 17, 2024

Votre marque au Québec n’est pas protégée par défaut ; elle est une cible dès son premier succès.

  • Une simple immatriculation au Registraire des entreprises est une protection quasi inexistante contre la copie.
  • Ignorer les lois linguistiques québécoises, notamment la mise à jour de 2025, peut rendre votre marque non enregistrée totalement inopposable.
  • La surveillance passive est une invitation à la contrefaçon, qui peut diluer et anéantir la valeur de votre actif.

Recommandation : Cessez de penser à la protection comme une simple formalité. Adoptez dès maintenant une mentalité de forteresse juridique pour blinder vos actifs immatériels avant qu’il ne soit trop tard.

En tant qu’entrepreneur au Québec, vous avez consacré des nuits blanches et une énergie considérable à bâtir quelque chose d’unique : votre marque. C’est le visage de votre entreprise, le réceptacle de votre réputation. Mais dans l’ombre de votre succès grandissant, une menace silencieuse guette. Chaque jour où votre marque n’est pas adéquatement protégée est une porte ouverte pour qu’un concurrent s’approprie votre travail, sème la confusion dans l’esprit de vos clients et capitalise sur votre réputation.

Beaucoup pensent qu’immatriculer leur nom d’entreprise au Registraire des entreprises (REQ) suffit. C’est une erreur fondamentale. D’autres croient qu’il suffit de déposer une demande à l’Office de la Propriété Intellectuelle du Canada (OPIC) et d’attendre. C’est une vision passive et dangereusement incomplète. La protection de la propriété intellectuelle (PI) n’est pas une simple formalité administrative. C’est un acte de guerre économique préventif.

L’angle que nous allons explorer est radicalement différent. Oubliez la simple “gestion” de la PI. Pensez en termes de construction d’une forteresse juridique. Il ne s’agit pas seulement d’enregistrer un nom, mais de verrouiller stratégiquement chaque facette de votre innovation, d’anticiper les attaques et de connaître les armes légales à votre disposition, surtout dans le contexte unique du Québec avec ses impératifs linguistiques. Cet article n’est pas un guide passif ; c’est un manuel de stratégie offensive pour sécuriser l’actif le plus précieux de votre entreprise.

Cet article est structuré pour vous armer des connaissances nécessaires, des fondations de la propriété intellectuelle aux tactiques d’urgence en cas d’attaque. Découvrez ci-dessous les piliers de votre future forteresse juridique.

Marque, brevet ou droit d’auteur au Québec : quelle protection pour votre innovation ?

La première ligne de défense de votre forteresse juridique consiste à choisir les bonnes fortifications. Penser que la “propriété intellectuelle” est un bloc monolithique est une vulnérabilité stratégique. En réalité, c’est un armement PI diversifié, où chaque arme a une fonction précise. Au Québec, la répartition est claire : les entreprises misent sur la marque. Des données récentes montrent que 12,8% des entreprises québécoises détenaient une marque de commerce en 2022, contre seulement 6,4% pour les brevets. Cela démontre où se situe la valeur perçue, mais aussi le potentiel inexploité des autres formes de protection.

Pour construire une défense robuste, vous devez superposer les protections :

  • Le Droit d’auteur : C’est la protection automatique et gratuite qui naît avec votre création. Le code de votre logiciel, le texte de votre site web, le design de votre logo, vos photos… tout cela est protégé par le droit d’auteur dès sa création. C’est votre première barricade, mais elle ne protège que l’expression, pas l’idée sous-jacente.
  • La Marque de commerce : C’est le cœur de votre identité. Elle protège votre nom, votre logo, votre slogan. C’est un droit exclusif d’utiliser ces signes pour distinguer vos produits ou services. Son enregistrement est ce qui transforme votre réputation en un actif monétisable et défendable.
  • Le Brevet : C’est la protection la plus forte pour une invention nouvelle, utile et non-évidente. Il vous donne un monopole de 20 ans sur une machine, un procédé ou une composition. C’est l’arme lourde de votre arsenal, idéale pour les innovations technologiques.
  • Le Secret commercial : C’est l’information que vous gardez confidentielle et qui vous donne un avantage concurrentiel, comme la recette du Coke. Sa protection ne dépend pas d’un enregistrement, mais des mesures que vous prenez pour la garder secrète (accords de non-divulgation, etc.).

Étude de cas : La forteresse PI d’une microbrasserie québécoise

Imaginons une microbrasserie innovante. Sa recette secrète de NEIPA est un secret commercial. Le nom accrocheur de sa bière, “La Flèche du Nord”, et son logo de caribou stylisé sont enregistrés comme marques de commerce. Les illustrations uniques sur ses canettes sont protégées par le droit d’auteur. Enfin, si elle a inventé un procédé de houblonnage révolutionnaire, elle pourrait le protéger par un brevet. C’est cette synergie qui crée une protection quasi impénétrable.

Comment enregistrer votre marque de commerce au Canada en 6 étapes depuis le Québec ?

L’enregistrement de votre marque de commerce est l’étape où vous transformez une simple réputation en un droit légalement exécutoire. Ce n’est pas une simple formalité, mais un parcours stratégique qui, s’il est mal navigué, peut retarder votre protection de plusieurs années ou même la rendre nulle. Le processus se déroule auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), et voici les étapes cruciales vues de la perspective d’un entrepreneur québécois.

Avant même de commencer, la validation de la force distinctive de votre marque est une étape zéro non-négociable. Un nom trop descriptif (“Le Meilleur Café de Montréal”) ou générique sera probablement refusé. Votre marque doit être suggestive, arbitraire ou fantaisiste pour avoir les meilleures chances.

Le processus officiel se décompose ensuite comme suit :

  1. Recherche d’antériorité : Avant de dépenser un sou, vous devez vous assurer que personne n’utilise déjà une marque identique ou similaire dans votre domaine d’activité. Une recherche approfondie dans la base de données de l’OPIC et sur le marché est impérative pour éviter un conflit futur.
  2. Préparation de la demande : C’est ici que les détails comptent. Vous devez décrire précisément votre marque et, surtout, choisir les bonnes classes de produits et services selon la classification de Nice. Une erreur ici peut limiter la portée de votre protection.
  3. Dépôt électronique : La demande est soumise en ligne via le portail de l’OPIC. Les frais officiels de base pour le dépôt sont actuellement de 478,15$ pour une première classe de produits/services.
  4. Rapport de l’examinateur : C’est là que l’attente commence. En raison de l’arriéré, l’OPIC peut prendre jusqu’à 2 ans pour examiner votre demande et émettre un rapport. L’examinateur peut soulever des objections auxquelles il faudra répondre de manière argumentée.
  5. Publication et opposition : Une fois approuvée par l’examinateur, votre marque est publiée dans le Journal des marques de commerce pendant deux mois. C’est une fenêtre durant laquelle un tiers peut s’opposer à votre enregistrement.
  6. Enregistrement : Si aucune opposition n’est soulevée ou si elle est surmontée, votre marque est officiellement enregistrée. Vous obtenez un certificat et une protection valable pour 10 ans, renouvelable.

Ce processus peut sembler long, mais chaque étape est une brique essentielle de votre forteresse juridique. L’illustration suivante schématise ce parcours de la conception à la protection officielle.

Représentation visuelle du processus d'enregistrement d'une marque de commerce avec éléments symboliques québécois

Comme le montre ce cheminement, l’enregistrement n’est pas un sprint mais un marathon stratégique. L’accompagnement par un agent de marques peut accélérer le processus et surtout, éviter les erreurs coûteuses qui pourraient compromettre l’ensemble de votre demande.

Contrefaçon de votre marque au Québec : comment faire cesser l’utilisation en 30 jours ?

Découvrir qu’un concurrent utilise votre nom ou votre logo est une violation. C’est le moment où l’horloge de la contrefaçon commence à tourner, menaçant de diluer votre marque et de détourner votre clientèle. L’inaction est votre pire ennemie. Comme le rappelle l’Office de la propriété intellectuelle du Canada dans son guide, votre droit est précieux mais fragile.

L’enregistrement d’une marque de commerce confère à son propriétaire un droit précieux qu’il peut perdre s’il ne s’acquitte pas de certaines responsabilités, notamment la surveillance active de son utilisation.

– Office de la propriété intellectuelle du Canada, Guide des marques de commerce

Agir rapidement et méthodiquement est la clé. Voici un plan de riposte en 30 jours pour faire cesser l’infraction et réaffirmer votre contrôle. Ce n’est pas une garantie, mais un protocole d’urgence pour maximiser vos chances de succès rapide.

  • Semaine 1 (Jours 1-7) : Constitution du dossier de preuves. Votre première action n’est pas de contacter le contrefacteur, mais de rassembler des preuves irréfutables. Prenez des captures d’écran datées de leur site web, de leurs publicités sur les réseaux sociaux. Si possible, faites des achats tests, conservez les factures et les emballages. Recueillez des témoignages de clients qui ont été confus. La force de votre dossier déterminera la suite.
  • Semaine 2 (Jours 8-14) : La mise en demeure, votre première frappe. Faites rédiger une lettre de mise en demeure par un avocat spécialisé en propriété intellectuelle. Ce document formel expose vos droits, détaille l’infraction et exige la cessation immédiate de l’utilisation de votre marque. Faites-la signifier par huissier de justice pour avoir une preuve de réception incontestable. C’est un signal fort que vous êtes prêt à aller en justice.
  • Semaine 3 (Jours 15-25) : La phase de négociation (ou d’escalade). La réception de la mise en demeure pousse souvent le contrefacteur à négocier. L’objectif est d’obtenir un accord de cessation amiable et, si des dommages ont été subis, une compensation. Si le contrefacteur ignore la mise en demeure ou refuse de coopérer, vous devez immédiatement préparer l’étape suivante.
  • Semaine 4 (Jours 26-30) : Préparation de l’artillerie lourde : l’injonction. Si la négociation échoue, votre avocat commencera à préparer une demande d’injonction à la Cour supérieure du Québec. C’est une ordonnance du tribunal forçant le contrefacteur à cesser immédiatement ses activités illicites. Le dossier de preuves que vous avez constitué en semaine 1 sera le pilier de cette demande.

Cette approche graduée et rapide démontre votre détermination tout en laissant une porte ouverte à une résolution rapide. La vitesse est votre alliée : plus vous attendez, plus le préjudice est grand et plus votre position légale peut s’affaiblir.

L’erreur qui rend votre marque de commerce inopposable au Québec

Posséder une marque de commerce enregistrée vous donne un sentiment de sécurité. Pourtant, une erreur, souvent commise par ignorance des particularités québécoises, peut transformer votre bouclier en passoire. Cette erreur fatale concerne la conformité linguistique, un enjeu qui est devenu encore plus critique récemment.

La Charte de la langue française impose des règles strictes. L’une des plus grandes vulnérabilités pour un entrepreneur est de croire que sa marque enregistrée à l’OPIC, si elle est dans une autre langue que le français, le dispense de toute obligation. C’est faux, et l’erreur peut vous coûter cher. La loi 14 (anciennement loi 96) a resserré les règles de manière drastique.

L’échéance du 1er juin 2025 : une bombe à retardement

Le changement le plus percutant est entré en vigueur pour les produits. Depuis le 1er juin 2025, même si votre marque de commerce est enregistrée (ex: “Starlight Coffee”), si elle contient des termes génériques ou descriptifs (“coffee”), ces termes doivent être traduits et visibles sur le produit au Québec. L’absence de la mention “Café” pourrait rendre l’affichage de votre produit non conforme. Cette règle s’applique à tous les produits fabriqués après cette date, rendant obsolètes des milliers d’emballages. Ne pas s’y conformer peut non seulement entraîner des amendes de l’OQLF, mais aussi affaiblir votre position en cas de litige, un concurrent pouvant arguer que votre usage de la marque est illégal au Québec.

Cette erreur linguistique est la plus spécifique au Québec, mais d’autres erreurs peuvent également rendre votre marque inopposable, c’est-à-dire impossible à défendre efficacement contre un contrefacteur. Il est crucial de les auditer et de les corriger.

Plan d’action : Votre checklist pour auditer les vulnérabilités de votre marque

  1. Tolérance passive : Avez-vous ignoré un petit concurrent utilisant un nom similaire pendant des années ? Documentez tous les cas et agissez maintenant pour éviter que votre inaction soit interprétée comme un consentement.
  2. Risque de généricide : Votre marque est-elle en train de devenir un nom commun (comme Frigidaire ou Kleenex) ? Intégrez des campagnes de communication rappelant que votre marque est un nom propre et non un nom commun.
  3. Usage non conforme : Avez-vous modernisé votre logo sans mettre à jour votre enregistrement à l’OPIC ? Vérifiez que l’usage actuel de votre marque correspond exactement à ce qui est enregistré.
  4. Conformité linguistique (Québec) : Votre affichage public, votre site web et vos produits sont-ils conformes aux exigences de la Charte de la langue française, y compris les nouvelles règles de 2025 ?
  5. Vérification du renouvellement : Votre marque arrive-t-elle bientôt à son échéance de 10 ans ? Mettez une alerte dans votre calendrier 6 mois à l’avance pour ne jamais manquer le renouvellement.

Ignorer ces points, c’est laisser des brèches béantes dans votre forteresse juridique. Un audit régulier est la seule façon de garantir que vos droits restent solides et pleinement exécutoires.

Comment monétiser votre brevet au Québec : licence, vente ou litige ?

Si la marque de commerce protège votre réputation, le brevet protège votre ingéniosité. C’est un actif puissant qui confère un monopole temporaire sur votre invention. L’écosystème québécois est d’ailleurs particulièrement dynamique, avec 1 308 demandes de brevets déposées par des résidents québécois en 2023-2024, représentant près de 40% du total canadien. Mais obtenir un brevet n’est que la première étape. La véritable question stratégique est : comment transformer ce document légal en revenus ?

Trois voies principales s’offrent à vous pour monétiser votre invention brevetée. Chacune comporte ses propres avantages et risques.

1. La Concession de Licence : Générer des revenus passifs

C’est souvent la stratégie la plus attrayante. Vous restez propriétaire du brevet, mais vous autorisez une ou plusieurs autres entreprises à exploiter votre invention en échange de redevances (royalties). Ces redevances peuvent être un pourcentage des ventes, un montant fixe par unité, ou une somme forfaitaire.

  • Avantages : Potentiel de revenus récurrents, moins d’investissement en capital de votre part pour la production et la commercialisation, possibilité de pénétrer de nouveaux marchés via des partenaires établis.
  • Risques : Dépendance vis-à-vis de la performance de votre licencié, risque de mauvaise gestion de votre technologie par le partenaire, nécessité d’un contrat de licence très solide pour vous protéger.

2. La Vente (Cession) du Brevet : L’encaissement immédiat

Ici, vous transférez la totalité de vos droits de propriété sur le brevet à un acheteur en échange d’un paiement unique et conséquent. C’est une sortie propre et rapide.

  • Avantages : Liquidité immédiate, élimination de tous les coûts futurs liés à la maintenance et à la défense du brevet, simplicité de la transaction.
  • Risques : Vous perdez tout contrôle sur votre invention et renoncez à tous les revenus futurs potentiels, qui pourraient être bien supérieurs au prix de vente. Le montant de la vente est souvent inférieur à la valeur totale potentielle du brevet sur sa durée de vie.

3. Le Litige : La monétisation par la force

Cette voie consiste à identifier les entreprises qui contrefont votre brevet (qui utilisent votre invention sans autorisation) et à les poursuivre en justice pour obtenir des dommages et intérêts. C’est une stratégie offensive, souvent menée par des entités spécialisées dans les litiges de brevets.

  • Avantages : Potentiel de gains très élevés si le litige est remporté, effet dissuasif sur d’autres contrefacteurs potentiels.
  • Risques : Extrêmement coûteux, long et incertain. Le processus peut durer des années et il n’y a aucune garantie de succès. C’est une stratégie à haut risque réservée aux entreprises ayant des ressources financières importantes.

La synergie entre les différents types de propriété intellectuelle est la clé pour maximiser la valeur de votre innovation.

Représentation abstraite de la synergie entre brevets et marques de commerce dans l'écosystème d'innovation québécois

Le choix entre ces stratégies dépend de vos objectifs commerciaux, de votre tolérance au risque et de la nature de votre invention. Souvent, une approche hybride, comme concéder une licence dans un secteur tout en se réservant le droit d’exploiter l’invention dans un autre, peut être la solution optimale.

Quelle structure protège vos biens personnels en cas de faillite au Québec ?

Votre marque de commerce, une fois enregistrée, devient un actif tangible de votre entreprise. Comme le souligne la BDC, elle peut représenter une part significative de la valeur de l’entreprise. Cependant, si votre entreprise est exploitée sous la mauvaise structure juridique, cet actif, ainsi que vos biens personnels, pourraient être à risque en cas de difficultés financières ou de faillite.

La marque de commerce est un actif de propriété intellectuelle précieux qui peut représenter une part importante de la valeur de l’entreprise.

– BDC – Banque de développement du Canada, Guide sur les brevets, marques et droits d’auteur

La question de la structure d’entreprise n’est donc pas seulement une question fiscale, mais une décision fondamentale pour la protection de votre patrimoine. Au Québec, le choix de la structure a des implications directes sur la séparation entre vos actifs professionnels et personnels.

Le tableau suivant compare les structures les plus courantes et leur impact sur la protection de vos actifs de propriété intellectuelle en cas de faillite.

Comparaison des structures juridiques pour la protection de marque au Québec
Structure Protection de la marque Risque en cas de faillite Stratégie recommandée
Entreprise individuelle Marque = actif personnel Saisie possible de la marque À éviter pour actifs de PI importants
Société par actions (Inc.) Marque = actif de la société Protection des biens personnels Structure de base recommandée
Structure Holding + Opco Marque dans le holding Protection maximale (double niveau) Idéale pour PI de haute valeur

L’entreprise individuelle est la plus simple mais aussi la plus risquée. Juridiquement, il n’y a aucune distinction entre vous et votre entreprise. Si vous faites faillite, vos créanciers peuvent saisir vos biens personnels, y compris votre maison, votre voiture, et votre marque de commerce. Pour tout entrepreneur sérieux avec une marque de valeur, cette structure est à proscrire.

La société par actions (Inc.) est la solution de base. Elle crée une personnalité juridique distincte. Votre marque appartient à la société, pas à vous. En cas de faillite de la société, vos biens personnels sont protégés. Les créanciers ne peuvent saisir que les actifs de la société. C’est le minimum requis pour une protection adéquate.

Enfin, la structure Holding + Opco représente la forteresse juridique ultime. Dans ce modèle, une société de portefeuille (Holding) détient les actifs de propriété intellectuelle de grande valeur (votre marque, vos brevets), tandis qu’une autre société (Opco) gère les opérations quotidiennes. La Holding concède une licence d’utilisation de la marque à l’Opco. Si l’Opco fait faillite, la marque est à l’abri dans la Holding, hors de portée des créanciers de l’Opco. C’est la structure de choix pour les entreprises dont la PI constitue l’essentiel de la valeur.

Injonction contre un concurrent déloyal au Québec : comment l’obtenir en 15 jours ?

Lorsque la mise en demeure échoue et qu’un concurrent continue d’utiliser votre marque, causant un préjudice direct à votre entreprise, il faut passer à l’offensive. L’injonction est l’arme la plus puissante et la plus rapide à votre disposition. Il s’agit d’une ordonnance de la Cour supérieure du Québec qui force un individu ou une entreprise à cesser immédiatement un acte préjudiciable. Obtenir une injonction interlocutoire (une ordonnance temporaire en attendant un procès complet) en urgence, parfois en moins de 15 jours, est possible, mais exige une préparation méticuleuse.

Le succès de votre demande repose sur votre capacité à convaincre un juge sur trois critères essentiels. C’est le “test de l’injonction” que vous devez impérativement réussir.

Les 3 critères à prouver pour obtenir une injonction

Pour accorder une injonction, la Cour évalue si vous avez satisfait à un test en trois volets : (1) l’apparence de droit : vous devez démontrer que vous avez un dossier solide et une forte probabilité de gagner au procès. Votre certificat d’enregistrement de marque de commerce est ici une pièce maîtresse ; (2) le préjudice sérieux ou irréparable : vous devez prouver que si l’injonction n’est pas accordée, vous subirez un dommage que de l’argent ne pourra pas compenser, comme la perte de clientèle, l’atteinte à votre réputation ou la dilution de votre marque ; (3) la balance des inconvénients : vous devez convaincre le juge que les inconvénients que vous subissez sans l’injonction sont plus importants que les inconvénients que le défendeur subira si l’injonction est accordée.

La rapidité est la clé. Pour être en mesure de déposer une demande en quelques jours, vous devez avoir votre “kit de préparation d’urgence” prêt à l’emploi. Ce kit est l’arsenal de documents qui soutiendra votre argumentation devant le tribunal.

Votre kit de préparation d’urgence pour une demande d’injonction :

  • Le certificat d’enregistrement de marque de l’OPIC : La preuve de votre titre de propriété.
  • Les preuves d’utilisation continue de votre marque au Québec : Factures, publicités, articles de presse montrant que votre marque est active sur le marché.
  • Les captures d’écran datées et notariées de l’infraction : Pour prouver l’acte de contrefaçon de manière irréfutable.
  • Les affidavits (témoignages sous serment) de clients : Pour démontrer la confusion sur le marché.
  • L’évaluation du préjudice financier : Une analyse, même préliminaire, des pertes de ventes ou des coûts engagés à cause de la contrefaçon.
  • Les correspondances avec le contrefacteur : La mise en demeure et toute réponse (ou absence de réponse) pour montrer que vous avez tenté de régler le conflit à l’amiable.

Avoir ces éléments à portée de main permet à votre avocat d’agir avec la célérité requise pour stopper l’hémorragie et protéger votre territoire commercial.

À retenir

  • La protection de la PI n’est pas un événement unique, mais un processus continu de fortification et de surveillance.
  • Votre structure d’entreprise est la fondation de votre forteresse juridique ; une mauvaise structure expose vos actifs personnels.
  • La surveillance active n’est pas une option, mais une nécessité. Détecter une infraction tôt coûte infiniment moins cher que de la combattre tardivement.

Comment détecter les signaux d’alerte d’un litige commercial avant qu’il ne vous coûte 100 000 $ au Québec ?

La meilleure façon de gagner une bataille juridique est de ne jamais avoir à la livrer. La plupart des litiges coûteux en matière de marques de commerce ne naissent pas du jour au lendemain. Ils sont le résultat de signaux d’alerte qui ont été ignorés. Mettre en place un système de veille proactive est le moyen le plus rentable de protéger votre marque. C’est votre système de radar, qui détecte les menaces lorsqu’elles sont encore petites et faciles à neutraliser.

Une surveillance efficace ne requiert pas nécessairement un budget colossal. Une routine de veille bien structurée peut être mise en place à faible coût et vous sauver des dizaines de milliers de dollars en frais juridiques. Voici une routine de veille pragmatique pour une PME québécoise.

Votre routine de surveillance de marque mensuelle et trimestrielle :

  • Hebdomadaire : Alertes Google. Configurez des alertes pour votre nom de marque, vos slogans et des variations orthographiques. C’est votre première ligne de détection pour l’usage de votre marque sur le web.
  • Mensuel : Surveillance des registres. Faites une recherche rapide dans le Registraire des entreprises du Québec (REQ) pour tout nouvel enregistrement d’un nom d’entreprise similaire au vôtre.
  • Mensuel : Monitoring des réseaux sociaux et marketplaces. Cherchez activement votre marque sur Facebook, Instagram, Amazon, etc. pour repérer toute utilisation non autorisée de votre nom ou de votre logo.
  • Trimestriel : Recherche dans la base de l’OPIC. Vérifiez si de nouvelles demandes de marques de commerce similaires à la vôtre ont été déposées. C’est crucial pour décider de déposer une opposition.

Cette surveillance est d’autant plus importante que les coûts pour réagir augmentent. Déposer une opposition à une demande de marque concurrente est une mesure préventive efficace. Cependant, le coût pour le faire a considérablement augmenté, rendant la détection précoce encore plus vitale. Une analyse de Fasken révèle que les frais ont grimpé, ce qui renforce l’argument économique en faveur de la prévention. Attendre que le problème s’envenime coûte cher, non seulement en frais juridiques, mais aussi en opportunités manquées.

En effet, les frais pour déposer une déclaration d’opposition auprès de l’OPIC ont été portés à 1200$ (contre 750$ auparavant). Ce montant, bien que significatif, est une fraction du coût d’un litige complet. Identifier une demande problématique et s’y opposer rapidement est donc un investissement, pas une dépense.

Mettre en place un système de surveillance est la meilleure assurance contre les litiges coûteux. Pour protéger votre investissement, il est crucial d’apprendre à détecter les signaux d'alerte d'un litige commercial avant qu’il ne devienne un problème majeur.

Votre marque est un organisme vivant qui requiert une attention constante. L’approche “déposer et oublier” est une recette pour le désastre. La construction de votre forteresse juridique, de la sélection de la bonne structure à la surveillance active, est la responsabilité la plus importante que vous avez en tant que gardien de votre marque. Pour une évaluation complète de vos vulnérabilités et pour bâtir une stratégie de protection sur mesure, l’étape suivante consiste à obtenir une analyse personnalisée par un professionnel.

Written by Isabelle Dubois, Isabelle Dubois est avocate en droit des affaires et droit commercial depuis 15 ans, membre du Barreau du Québec et titulaire d'un MBA en gestion d'entreprise. Elle conseille des entrepreneurs et PME québécoises sur le choix de structures juridiques, la rédaction de conventions d'actionnaires, la négociation de contrats commerciaux et la protection de propriété intellectuelle. Elle représente également des entreprises dans des litiges de concurrence déloyale et de violation de contrats.