Published on March 15, 2024

Contrairement à l’idée reçue, gagner un grief ne dépend pas uniquement de votre syndicat ; votre préparation stratégique en amont est l’arme la plus décisive de votre arsenal.

  • La validité de votre grief repose sur 4 critères d’arbitrabilité précis, bien au-delà de la simple injustice ressentie.
  • Le respect scrupuleux des délais et de la forme est non-négociable pour éviter un rejet immédiat pour vice de procédure.

Recommandation : Votre mission est de construire un dossier probatoire si solide que la victoire en arbitrage devient l’issue la plus logique pour votre représentant syndical et pour l’arbitre.

Face à une décision de votre employeur que vous jugez injuste, abusive ou en violation de votre convention collective, le dépôt d’un grief est la première étape. Cependant, beaucoup d’employés syndiqués au Québec vivent ce processus avec frustration, le percevant comme une longue attente passive dont l’issue est incertaine. On se concentre souvent sur le bien-fondé de sa plainte, en pensant que la justice de sa cause suffira à convaincre un arbitre. C’est une erreur de perspective. Le processus d’arbitrage de griefs n’est pas un tribunal de l’équité, mais une arène juridique régie par des règles strictes de preuve et de procédure.

La plupart des guides se contentent d’expliquer les étapes de façon linéaire. Ils vous diront de contacter votre syndicat, de respecter les délais et de rassembler des preuves. Si ces conseils sont justes, ils sont fondamentalement incomplets. Ils vous positionnent comme un spectateur de votre propre dossier. Or, la véritable clé pour maximiser vos chances de succès n’est pas d’attendre que votre syndicat gagne pour vous, mais de devenir le premier artisan de votre victoire. Il s’agit de comprendre les rouages du système pour armer votre représentant syndical des meilleures munitions probatoires et éviter les pièges procéduraux qui anéantissent des griefs pourtant légitimes.

Cet article adopte une approche tactique. Nous n’allons pas seulement décrire le chemin, nous allons vous montrer comment le naviguer stratégiquement. De la qualification de votre situation en grief arbitrable à la collecte de preuves qui ont un poids réel, en passant par la rédaction initiale qui prévient les vices de forme, nous allons disséquer chaque étape. L’objectif : vous transformer d’un plaignant passif en un partenaire stratégique et proactif dans la défense de vos droits.

Pour ceux qui préfèrent un format condensé, la vidéo suivante offre un excellent résumé des principes de base du règlement de griefs, complétant les stratégies détaillées que nous allons aborder.

Ce guide est structuré pour vous fournir une feuille de route claire et actionnable. Chaque section aborde un point névralgique du processus d’arbitrage, vous donnant les outils pour anticiper les obstacles et construire un dossier inattaquable.

Votre situation justifie-t-elle un grief arbitrable au Québec : les 4 critères déterminants

Avant même de rédiger une plainte, la première question stratégique à se poser est : ma situation constitue-t-elle un grief “arbitrable” ? Ce n’est pas parce que vous vous sentez lésé que votre cas peut automatiquement être entendu par un arbitre. L’arbitrabilité d’un grief repose sur une analyse juridique précise. Un grief qui ne remplit pas ces conditions sera rejeté avant même que le fond de l’affaire ne soit débattu. Votre premier objectif est donc de vous assurer que votre plainte passe ce filtre initial. En droit québécois du travail, cela se résume généralement à quatre critères fondamentaux.

Premièrement, il doit exister un différend réel entre vous (représenté par le syndicat) et l’employeur. Deuxièmement, ce différend doit porter sur l’interprétation ou l’application de la convention collective. Un sentiment d’injustice général ne suffit pas ; vous devez pouvoir pointer une clause, un article ou un principe de votre convention qui a été violé. Troisièmement, vous devez être une personne salariée couverte par ladite convention collective au moment des faits. Enfin, quatrièmement, le grief doit avoir été traité selon la procédure interne prévue à la convention avant d’arriver en arbitrage.

Ce cadre peut sembler rigide, mais il comporte des nuances importantes. Par exemple, la notion de “pratique passée” peut jouer un rôle crucial. Il arrive qu’une disposition de la convention soit claire, mais que les parties l’aient appliquée différemment pendant des années. Dans une telle situation, un arbitre pourrait conclure à une modification tacite de la convention, comme le démontrent certaines décisions. Si un employeur a toléré une pratique contraire à la convention pendant longtemps, il pourrait être forclos, c’est-à-dire avoir perdu son droit, de déposer un grief pour y mettre fin subitement.

Comment rédiger un grief qui ne sera pas rejeté pour vice de forme au Québec ?

Une fois l’arbitrabilité de votre situation confirmée, la rédaction du grief devient la première action concrète. C’est une étape critique où la précision est reine. Un grief mal rédigé ou, pire, déposé hors délai, peut être rejeté pour un simple “vice de forme”, sans même que l’arbitre n’examine le fond de votre plainte. C’est l’équivalent d’être disqualifié avant le début de la course. Pour éviter cet écueil, deux éléments sont primordiaux : la clarté de l’objet du grief et le respect absolu des délais.

Le formulaire de grief doit identifier clairement : qui dépose le grief, les faits pertinents (quoi, quand, où, comment), l’article ou les articles de la convention collective qui ont été violés, et la “mesure réparatrice” demandée (ce que vous souhaitez obtenir). Soyez factuel et concis. Votre objectif n’est pas de raconter toute l’histoire avec émotion, mais de fournir au syndicat et à l’employeur un exposé clair des éléments fondamentaux du litige. L’argumentaire détaillé viendra plus tard.

Gros plan sur une main rédigeant un document juridique avec stylo professionnel

Le point le plus impitoyable est sans contredit le délai de prescription. Chaque convention collective fixe son propre délai pour déposer un grief. Il est de votre responsabilité de connaître ce délai et de le respecter scrupuleusement. Bien que le Code du travail puisse prévoir des délais plus longs dans certains cas, les conventions optent souvent pour des fenêtres plus courtes. Selon la loi, ce délai ne peut être inférieur à une certaine durée, mais il est impératif de vérifier votre propre convention. Le non-respect de ce délai est l’une des raisons les plus courantes et les plus frustrantes de rejet d’un grief.

Le tableau suivant illustre la variabilité des délais de prescription que l’on retrouve couramment dans les conventions collectives québécoises. Il met en lumière l’importance de consulter votre propre document de référence, car les délais peuvent changer drastiquement selon la nature du grief. Par exemple, un cas de harcèlement psychologique bénéficie d’un délai légal beaucoup plus long.

Type de grief Délai standard Source légale
Grief standard 30 jours (plupart des conventions) Convention collective
Grief pour harcèlement psychologique 2 ans Loi sur les normes du travail (modifiée en juin 2018)
Grief sans délai conventionnel 6 mois Article 71 du Code du travail
Délai minimal légal 15 jours minimum Article 100.0.1 du Code du travail

Quelles preuves réunir pour gagner votre grief en arbitrage au Québec ?

Si votre grief est recevable et bien rédigé, la bataille se déplace sur le terrain de la preuve. C’est ici que le sort de la plupart des arbitrages se joue. L’adage “dire, c’est bien, mais prouver, c’est mieux” n’a jamais été aussi vrai. Devant un arbitre, les affirmations non soutenues par des éléments tangibles ont peu de valeur. Votre mission est de construire un dossier probatoire, c’est-à-dire un ensemble de preuves, qui soit si convaincant que la conclusion en votre faveur devienne une évidence. Pour cela, il faut comprendre que toutes les preuves ne se valent pas. Il existe une hiérarchie de la force probante.

Au sommet de cette hiérarchie se trouvent les documents écrits et signés par les parties. Un contrat, un avenant, un avis disciplinaire contresigné, ou toute autre pièce écrite et formellement reconnue, possède une force probante maximale. Viennent ensuite les correspondances électroniques comme les courriels, surtout si elles sont datées et permettent d’identifier clairement les interlocuteurs. Leur valeur est forte, car elles créent une trace écrite des échanges. Les témoignages directs de personnes ayant assisté aux faits sont également cruciaux. Un témoin oculaire qui corrobore votre version des faits peut faire basculer une décision. Enfin, les preuves circonstancielles (des faits qui suggèrent une conclusion sans la prouver directement) et les pratiques passées de l’entreprise ferment la marche. Elles sont utiles, mais rarement suffisantes à elles seules.

Votre rôle proactif est de documenter et de conserver méticuleusement tous ces éléments. Notez les dates, les heures, les personnes présentes, et gardez une copie de tous les échanges écrits. N’hésitez pas à demander à des collègues s’ils accepteraient de témoigner. Dans le cadre de l’arbitrage, le témoignage est un outil puissant, et il existe des mécanismes pour s’assurer de la présence d’un témoin, même récalcitrant. Comme le précise l’expert Jean-Claude Bernatchez dans son ouvrage sur le sujet :

Une personne pourrait être contrainte à témoigner si on tient à s’assurer de sa présence à l’audition ou si elle refuse de comparaître. Un témoin ne peut refuser de répondre aux questions posées mais: s’il fait une objection en ce sens, sa réponse ne pourra servir contre lui dans une poursuite pénale intentée en vertu d’une loi du Québec.

– Jean-Claude Bernatchez, L’arbitrage des griefs : sa portée et son accès

Voici une liste qui hiérarchise les types de preuves, du plus fort au moins déterminant, pour guider votre collecte :

  • Niveau 1 : Documents écrits signés par les parties (force probante maximale)
  • Niveau 2 : Courriels et correspondances électroniques datées
  • Niveau 3 : Témoignages directs de témoins présents lors des faits
  • Niveau 4 : Preuves circonstancielles ou témoignages indirects
  • Niveau 5 : Pratiques passées documentées de l’entreprise

L’erreur de procédure qui fait perdre 40 % des griefs au Québec

Le titre est provocateur, mais il illustre une réalité : une proportion significative de griefs échouent non pas sur le fond, mais à cause d’une rupture dans le processus. L’erreur la plus commune et la plus stratégiquement dommageable n’est pas un simple oubli de document, mais une mauvaise compréhension du rôle du syndicat et du devoir de juste représentation. Beaucoup d’employés pensent que le syndicat est un service juridique à leur disposition. En réalité, le syndicat est le titulaire exclusif du droit de porter le grief en arbitrage, et il doit le faire de manière juste, non arbitraire, et sans négligence grave.

L’erreur fatale est de ne pas collaborer efficacement avec son représentant syndical ou de créer une situation conflictuelle. Votre représentant n’est pas votre adversaire ; il est votre allié, mais un allié qui a l’obligation légale d’évaluer objectivement les chances de succès de votre grief. Si vous ne lui fournissez pas les preuves, si vous êtes évasif, ou si votre dossier semble faible, le syndicat peut légitimement décider de ne pas aller en arbitrage. Cette décision, si elle est prise de bonne foi et après une enquête sérieuse, est très difficile à contester, comme le confirme la jurisprudence découlant de l’article 47.2 du Code du travail et de l’arrêt Noël c. Société d’énergie de la Baie James.

Vue large d'une salle de réunion moderne avec participants en discussion professionnelle

Une autre facette de cette erreur procédurale est de négliger les étapes pré-arbitrales, comme la médiation ou la conciliation. L’arbitrage est une solution de dernier recours, coûteuse et longue. De nombreuses conventions collectives prévoient des mécanismes de règlement à l’amiable. Ignorer ou saboter ces étapes peut être perçu négativement. De plus, ces processus peuvent aboutir à une solution satisfaisante sans avoir à affronter un procès complet. Des statistiques montrent qu’une part non négligeable des litiges se résolvent avant d’atteindre l’arbitre. Par exemple, des analyses ont montré qu’environ 10 p. 100 des causes ont trouvé règlement par voie de conciliation, évitant ainsi un arbitrage formel.

Votre stratégie doit donc être de faire de votre représentant syndical votre meilleur atout. Présentez-lui un dossier structuré, des preuves classées et un résumé factuel. Montrez que vous êtes un partenaire fiable. Cela rendra son travail plus facile et augmentera sa confiance dans le bien-fondé de votre cause, le rendant plus enclin à défendre votre dossier avec vigueur jusqu’au bout.

Combien coûte et combien de temps prend un arbitrage de grief au Québec ?

S’engager dans un processus d’arbitrage de grief, c’est aussi s’engager dans un marathon, pas un sprint. L’un des aspects les plus difficiles à gérer pour un salarié est l’incertitude liée à la durée et aux coûts. Avoir des attentes réalistes est une stratégie en soi, car cela vous prépare mentalement et évite le découragement. La réalité du système judiciaire et para-judiciaire québécois est que les délais peuvent être très longs.

En ce qui concerne la durée, il n’y a pas de réponse unique, car elle dépend de la complexité du cas, de la disponibilité des parties, des avocats et de l’arbitre. Cependant, les données générales brossent un portrait qui demande de la patience. En moyenne, il n’est pas rare qu’un dossier prenne plusieurs années avant d’être finalement tranché. Une estimation souvent citée indique que le règlement d’un grief prend deux ans et demi au Québec, de son dépôt initial à la sentence arbitrale finale. Cette longue attente peut être éprouvante, surtout dans les cas de congédiement où le salarié est sans revenu.

Sur le plan financier, la bonne nouvelle pour le salarié est que les coûts directs de l’arbitrage sont partagés. Le principe de base, inscrit dans le Code du travail, est une répartition des coûts à 50/50 entre l’employeur et le syndicat. Cela inclut principalement les honoraires de l’arbitre. Vous n’avez donc pas, en tant qu’individu, à payer directement l’arbitre. Cependant, ces coûts, bien qu’indirects pour vous, influencent la décision du syndicat de procéder ou non à l’arbitrage, car ils pèsent sur le budget de l’organisation.

Le tableau ci-dessous, basé sur les règlements en vigueur, donne un aperçu des honoraires typiques pour un arbitre nommé par le ministre du Travail. Ces chiffres illustrent pourquoi l’arbitrage est considéré comme une mesure de dernier recours.

Coûts d’arbitrage selon le Code du travail québécois
Type de frais Montant indicatif Détails
Honoraires arbitre (nommé par ministre) 240 $/heure Pour séance, délibéré et rédaction
Minimum par jour d’audience 720 $ Équivalent à 3 heures d’honoraires
Arbitre choisi par les parties Variable Peut facturer un montant différent
Répartition des coûts 50/50 Parts égales entre employeur et syndicat

Comment savoir si votre recours pour congédiement a des chances de succès au Québec ?

Le congédiement est sans doute la mesure la plus grave qu’un employeur puisse imposer. Contester un congédiement par un grief est donc une démarche aux enjeux élevés. Évaluer les chances de succès d’un tel recours demande une analyse rigoureuse, bien au-delà de la simple affirmation “mon congédiement est injuste”. Un arbitre examinera principalement deux choses : la cause du congédiement était-elle juste et suffisante, et l’employeur a-t-il respecté le principe de la gradation des sanctions ?

Ce principe est au cœur de l’analyse. Sauf en cas de faute grave (vol, fraude, violence), un employeur ne peut généralement pas congédier un salarié à la première offense. Il doit démontrer qu’il a appliqué des mesures disciplinaires progressives : avis verbal, avis écrit, suspension, etc. Votre première tâche est de documenter l’historique disciplinaire. Y a-t-il eu des sanctions antérieures pour des faits similaires ? L’employeur vous a-t-il informé des reproches et donné une chance de vous corriger ? Si l’employeur passe directement au congédiement pour une faute mineure ou une question d’incompétence sans avertissements préalables, votre grief a de fortes chances de succès. Il est aussi crucial de distinguer un congédiement disciplinaire (pour une faute) d’un congédiement administratif (pour une incompétence), car le fardeau de la preuve pour l’employeur est différent.

Toutefois, même avec un dossier solide, il est vital de comprendre que la décision finale d’aller en arbitrage appartient à votre syndicat. Celui-ci évaluera le dossier et ses chances de succès avant d’engager les ressources nécessaires. Comme le rappelle la Fédération des médecins résidents du Québec à ses membres, cette prérogative est exclusive.

La décision de porter un grief en arbitrage appartient exclusivement à l’association, et ce, même si ce dernier a été déposé en votre nom. Cette décision sera prise avec les personnes ressources de la Fédération après analyse du dossier afin de s’assurer que le grief a des chances raisonnables de succès.

– Fédération des médecins résidents du Québec, Guide sur le grief et l’arbitrage – FMRQ

Votre plan d’action pour évaluer un cas de congédiement

  1. Inventaire disciplinaire : Listez tous les avis disciplinaires écrits et verbaux reçus dans les dernières années.
  2. Analyse de la progression : Vérifiez si l’employeur a suivi une gradation logique (ex: avertissement avant suspension).
  3. Confrontation à la faute : Évaluez si la sanction finale (congédiement) est proportionnelle à la dernière faute commise.
  4. Distinction de la cause : Déterminez s’il s’agit d’une faute (disciplinaire) ou d’une performance insatisfaisante (administratif).
  5. Validation du processus : Confirmez que le grief a été déposé dans les délais et que le syndicat a été impliqué dès le début.

Votre employeur ignore une clause de la convention : comment le forcer à l’appliquer au Québec ?

Le grief n’est pas seulement un outil réactif pour contester des mesures disciplinaires. C’est aussi un mécanisme proactif puissant pour forcer un employeur à respecter n’importe quelle clause de la convention collective qu’il ignorerait ou appliquerait mal. Qu’il s’agisse du paiement d’une prime, de l’attribution des horaires, des règles d’ancienneté ou de toute autre condition de travail, la convention a force de loi entre les parties. Si votre employeur ne la respecte pas, le grief est le moyen légal de l’y contraindre.

Le processus pour forcer l’application d’une clause commence rarement par une confrontation directe. Une approche stratégique privilégie une escalade contrôlée. La première étape est toujours informelle : une discussion avec votre supérieur immédiat, en compagnie de votre délégué syndical si nécessaire, pour exposer les faits et citer l’article de la convention en question. Souvent, il peut s’agir d’un simple oubli ou d’une mauvaise interprétation de la part d’un gestionnaire. Si cette approche échoue, l’étape suivante consiste à formaliser la demande par un courriel, en mettant le syndicat en copie. Ce n’est que si ces tentatives restent sans réponse que le dépôt d’un grief formel devient nécessaire.

Il est intéressant de noter que cet outil n’est pas à l’usage exclusif des salariés. Les employeurs peuvent eux aussi déposer des griefs contre le syndicat s’ils estiment que ce dernier incite ses membres à ne pas respecter la convention. Des cas récents ont vu des employeurs obtenir gain de cause en arbitrage pour forcer un syndicat à cesser des moyens de pression illégaux et à se conformer aux procédures de rappel au travail prévues à la convention. Cela démontre la force du grief comme mécanisme pour faire respecter le “contrat” qu’est la convention collective, peu importe qui est en faute.

Pour faire respecter une clause précise, le plan suivant en quatre étapes est la méthode la plus efficace :

  • Étape 1 : Consultation des dispositions applicables de la convention avec le délégué syndical.
  • Étape 2 : Discussion informelle avec le supérieur immédiat pour exposer les éléments.
  • Étape 3 : Courriel formel citant l’article de la convention avec copie au délégué syndical.
  • Étape 4 : Dépôt formel du grief dans le délai prescrit (souvent 30 jours).

À retenir

  • La victoire en arbitrage est moins une question de chance qu’une question de préparation stratégique et de rigueur procédurale.
  • Le respect des délais de prescription et la qualité de la preuve documentaire sont les deux piliers d’un dossier solide.
  • Votre rôle est d’être un partenaire proactif pour votre syndicat, en lui fournissant un dossier clair et bien étayé.

Comment utiliser votre convention collective au Québec pour obtenir ce que votre boss vous refuse

En définitive, la convention collective est bien plus qu’un simple document administratif. C’est votre principal outil de pouvoir en milieu de travail. Savoir l’utiliser stratégiquement est la compétence la plus importante pour un salarié syndiqué qui souhaite faire valoir ses droits. Obtenir ce qu’un supérieur vous refuse, que ce soit un droit, une prime ou une condition de travail, passe par une maîtrise de cet instrument et des mécanismes qui en découlent, avec le grief comme ultime garantie.

La première étape est de lire et de comprendre les articles pertinents. Ne vous fiez pas aux “on-dit” ou aux habitudes. Prenez le temps, avec votre délégué, de trouver le texte qui appuie votre demande. Cette connaissance est votre première force. Ensuite, il s’agit d’utiliser le processus de règlement des différends prévu à la convention elle-même. La plupart des conventions exigent que l’on tente de régler le problème aux niveaux inférieurs avant de déposer un grief formel. Suivre ces étapes internes est non seulement obligatoire, mais stratégique : cela montre votre bonne foi et documente vos tentatives de résolution.

Si un grief devient nécessaire, le temps est à nouveau votre ennemi. Si votre convention ne prévoit aucun délai spécifique pour un type de grief donné, ne présumez pas que vous avez un temps infini. Le Code du travail offre un filet de sécurité : si aucun délai n’est prévu à la convention, les parties disposent de 6 mois à compter de la naissance de la cause du grief. Connaître cette règle par défaut peut sauver un dossier. L’ensemble de ce processus, de la discussion initiale à l’arbitrage, est conçu comme un entonnoir : de nombreuses plaintes sont résolues en cours de route, et l’arbitrage est véritablement la solution de dernier recours.

L’arbitrage de grief est donc l’aboutissement d’une démarche structurée. En comprenant ses règles, ses coûts, ses délais et surtout, en préparant méticuleusement chaque étape, vous cessez d’être une victime potentielle des événements. Vous devenez un acteur éclairé, capable d’utiliser les outils à votre disposition pour transformer un “non” de votre patron en un “oui” validé par la loi.

Pour passer de la théorie à la pratique, la prochaine étape consiste à prendre rendez-vous avec votre délégué syndical. Présentez-lui un dossier structuré en suivant les principes de ce guide pour maximiser vos chances de succès.

Written by Sylvie Gagnon, Sylvie Gagnon est avocate en droit du travail et relations industrielles depuis 18 ans, membre du Barreau du Québec et spécialisée en défense des droits des travailleurs. Elle représente des employés syndiqués et non syndiqués dans des litiges de congédiement injustifié, de harcèlement au travail, d'arbitrage de griefs et de négociation d'indemnités de départ. Elle conseille également des syndicats locaux dans leurs campagnes d'accréditation et leurs stratégies de négociation collective.